Comment réussir son business plan à l’ère du numérique ?

Mise en contexte

Pierre est aujourd’hui responsable d’un petit hôtel rénové de 20 chambres confortables en centre-ville de Montréal. Cet hôtel familial, par le passé, était tenu par son père et son grand-père. L’hôtel de Pierre est présent sur Internet avec un site vitrine (présentation de l’hôtel sans possibilité de réservation ou paiement en ligne). Or malgré l’augmentation du volume de dépenses des touristes sur l’agglomération de Montréal (11,1 millions $CAN en 2017, 10,2 millions $CAN en 2016, 9,6 millions $CAN en 2015, 9,2 millions $CAN en 2014 selon ville.montreal.qc.ca), le chiffre d’affaires de Pierre continue de baisser.

Pierre se demande à qui profitent les dépenses de ses touristes ? Quels sont les modèles d’affaires qui ont réussi un meilleur virage numérique et pourquoi ?  Enfin, Pierre aimerait améliorer cette affaire familiale par une transformation numérique et il se questionne sur le business plan ?

Le développement d’Internet, du commerce électronique et des réseaux sociaux a modifié la manière de réaliser des affaires. Les commerces traditionnels ont été forcés de s’adapter et de se numériser. On parle alors de transformation numérique. Au même moment, de nouvelles entreprises ont vu le jour à partir des fonctionnalités permises par Internet. Un consensus réunit aujourd’hui les chercheurs et les praticiens, le numérique est désormais un passage obligé pour toutes les entreprises. Vis-à-vis de la transformation digitale et comme vue en introduction, on ne parle plus de retour sur investissement (ROI – Return On Investment), mais du risque de ne pas investir dans le numérique (RONI – Risk Off Non Investment).

Compétences visées

Les objectifs de ce chapitre sont de connaître les différents modèles d’affaires possibles en fonction des contraintes de l’environnement. En parallèle, ce chapitre propose une méthodologie pour synthétiser un modèle d’affaires au travers du business plan.

De briques et de ciment (Brick and Mortar)

L’expression anglophone Brick and Mortar signifiant « des briques et du ciment » est utilisée dans le secteur du commerce électronique pour indiquer les entreprises historiquement ‘physiques’, c’est-à-dire ayant commencé par des points de vente réels, accueillant les clients en personne. Si ces entreprises ont pu exister par le passé et se développer grâce à leur adresse physique, il semblerait que ce temps soit révolu. Il est aujourd’hui nécessaire pour toute entreprise d’exister sur le web (Kotler et al., 2017) pour toute sorte de raisons: promotion de la marque, des produits, vente en ligne, internationalisation, crowdsourcing, communication corporative.

Il convient donc pour les entreprises de briques et de ciment d’aborder leur transformation numérique. C’est-à-dire d’intégrer à l’organisation un certain nombre d’outils numériques. Plus l’organisation va intégrer ces outils à son organisation plus elle sera considérée comme une entreprise mature sur le plan numérique.

Maturite Numerique Entreprise
Figure : Les différents stades de la maturité numérique

Sur le plan humain, cette transformation numérique représente un certain nombre de défis. Par exemple, les parties prenantes peuvent être amenées à s’opposer ou freiner ces changements. Ainsi pour réussir au mieux cette transformation numérique au sein de l’entreprise, Monahan et al. (2017) identifie quatre préconisations managériales pour les gestionnaires:

  • Être clair sur les priorités.
  • Permettre les échanges (feedbacks) dans les deux sens.
  • Reconnaître le travail de tout le monde en favorisant la prise de risque.
  • S’engager dans des conversations franches avec les employés.

Concernant ces entreprises qui vendent en ligne et en adresse physique, on parle de clics et ciment (Click and Mortar). Ce type d’entreprise permet notamment aux consommateurs de commencer leur parcours client sur Internet et de le finir en magasin (Web to Store). Selon une étude récente du CEFRIO, 60% à 80% des consommateurs du Québec commencent leur parcours client sur Internet.  Concernant l’utilisation d’Internet dans cette approche Web-to-store, 80% des consommateurs utilisent Internet pour localiser le magasin, 76% pour affiner une intention d’achats, 74% pour consulter le catalogue d’une enseigne. La multiplication des canaux d’échange avec les consommateurs soulève un autre enjeu, celui de l’harmonisation de ces canaux. Le client s’attend à retrouver la même information sur Internet que dans le magasin physique (charte graphique, prix, produits, services, publicité sur lieu de vente). Dans un premier temps et pour répondre à cette attente, les entreprises se doivent d’harmoniser l’information en ligne et en adresse physique: on parle alors de stratégies multicanales. Dans un deuxième temps et pour aller plus loin, l’entreprise peut se focaliser sur l’expérience client avec l’utilisation du réel et du virtuel et proposer une stratégie omnicanal. En marketing, le terme omnicanal désigne le fait que tous les canaux de contact et de vente possibles entre l’entreprise et ses clients sont harmonisés et mobilisés pour proposer une expérience client enrichie. La notion d’omnicanal peut désigner autant les contacts pris à l’initiative des clients ou prospects que ceux émanant de l’entreprise. Dans ce type de stratégie, l’information disponible sur les différents canaux peut varier.

Pour mettre en place ces différentes stratégies, il est recommandé de:

  1. Comprendre votre clientèle
  2. Adopter une approche centrée sur le client
  3. Utiliser les outils de communication appropriés
  4. Parler d’une seule voix
  5. Privilégier les relations durables

Les purs joueurs (pure player)

Si les entreprises de “briques et de ciment” ont dû accélérer leur transformation numérique, c’est, dans le cas de certains secteurs, dû à l’arrivée des purs joueurs. Cette expression désigne les entreprises qui ont démarré leur activité en premier lieu sur Internet (et donc n’ayant, au commencement, aucune activité traditionnelle dans le monde ‘physique’). Ce modèle est en partie attractif par le fait qu’il permet d’éviter les frais liés à la tenue d’une adresse physique (loyer, personnel, taxes…) et permet de rapidement exister. Ainsi on observe un grand nombre de start-up basées sur ce modèle. Au-delà de ces avantages apparents, il existe des challenges propres aux pures players, comme les contraintes sur les 5 sens (vue, ouïe, goût, toucher, odorat); le manque d’humanité dans la relation client; le service après-vente; le manque de confiance; les contraintes sur la livraison; le besoin d’utiliser des leviers offline, TV, radio, street marketing, événements… Enfin la plus grande difficulté est probablement l’hyper concurrentialité qui sévit sur Internet. En effet la facilité de créer une entreprise en ligne et l’espace illimité entraîne une profusion d’entreprises. Aussi, à l’inverse, des ”bricks et ciment” qui se numérisent, certains purs joueurs s’établissent avec des adresses physiques. Mentionnons Amazon, qui lançait en 2018 son premier Amazon Go, un magasin de type supérette, à Seattle.

Au sein de ce modèle d’affaires il est possible de distinguer deux types de pure players, les fondamentalistes: entreprises en lignes proposant des produits ou services numériques généralement téléchargeables ou envoyés par courriel et les hybrides : entreprise en ligne proposant des produits réels généralement acheminés par au domicile par la poste.

Dans les fondamentalistes, on retrouve des entreprises de presse qui se financent à travers la publicité (Huffington post) ou à travers des abonnements (Mediapart). Toutefois, un certain nombre d’entreprises d’information en ligne rencontre des difficultés financières voire disparaissent (BuzzFeed, Mashable, Vice Media…). Plusieurs raisons peuvent expliquer ces difficultés à vivre de la publicité: Tout d’abord la concurrence, aux États Unis, Google et Facebook s’accaparent ⅔ des budgets publicitaires en ligne selon le cabinet eMarketer; ensuite ces budgets publicitaires connaissent des variations, par exemple Procter & Gamble PG, premier annonceur aux États-Unis a réduit son budget pour les publicités en ligne de plus de 100 millions de dollars lors du 1ier trimestre 2018, les jugeant en partie inefficaces (Les échos). On retrouve aussi parmi les fondamentalistes les développeurs d’applications. Avec plus d’un million d’applications disponibles sur Android et sur iPhone, nous sommes forcés de constater l’intérêt grandissant des développeurs pour ce secteur. Parmi ces fondamentalistes, on dénombre plusieurs success-stories : par exemple l’application WhatsApp rachetée par Facebook pour 19 Milliards $, ou Candy Crush rachetée 5,9 Milliards par Activision. Néanmoins, les succès sont rares : seuls 2 % des 250 plus gros éditeurs d’applications sur iPhone étaient de nouveaux venus en 2017. Franchir le million de dollars de revenus lorsque l’on pénètre ce nouvel espace est ainsi devenu de plus en plus difficile (Le Figaro).

Parmi les hybrides, on retrouve des entreprises et marques de tout type. Des intermédiaires comme la boutique Le Château, qui vend  en ligne, mais aussi en boutique, ou des entreprises comme Parrot (drones) basées sur la vente de produits innovant sur le plan technologique qui décident de commencer à se faire connaitre par Internet.

Les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft)

GAFAM est l’acronyme utilisé pour décrire le groupe d’entreprises composé de, Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Ces cinq grandes firmes américaines dominent actuellement le marché du numérique et font également parties des plus grosses entreprises tout secteur confondu. Elles sont regroupées sous un acronyme de par leurs caractéristiques communes en termes de secteur d’activité, de taille, et d’influence. Si dans certains secteurs, une partie des cinq entreprises est en concurrence, elles offrent globalement des produits et services différents. Elles sont particulièrement influentes sur Internet en Amérique et en Europe. Cette influence au niveau économique, politique et social est maintenue par de fortes dépenses en lobbying. Malgré tout, elles sont régulièrement l’objet de critiques et de poursuites sur le plan fiscal, sur le plan de la vie privée (avec par exemple le scandale Facebook et Cambridge Analytica) et pour abus de position dominante.

Leur influence politique sociale et économique est plus restreinte dans les pays comme la Russie ou la Chine où le numérique est contrôlé par l’État avec leurs propres géants du numérique comme Yandex pour la Russie ou les BATX pour la Chine. Si Apple et Microsoft sont toutefois présents en Chine, ils doivent se plier à la censure du gouvernement. Google envisage depuis 2017 un retour sur le marché chinois avec une version censurée de son moteur de recherche.  Google prédit maintenant deux Internets : l’un pour la chine et l’autre pour le reste du monde.

Indicateurs économiques GAFAM versus BATX

GAFAM

Sociétés

Google
(Alphabet)
Apple Facebook Amazon Microsoft
Date 1998 1976 2005 1994 1975
Produits phares Moteur de
recherche,

Régie
publicitaire,

Intelligence
artificielle

Ordinateur
personnel
Réseau

social,

Publicité,

Intelligence
artificielle

Commerce en ligne,

Informatique en nuage

Système
d’exploitation,

Informatique en nuage

Revenu
principal
Publicité (86%) Matériel (98%) Publicité (98%) Vente en ligne (82%) Logiciel (62%)
Utilisateur 1,42 0,85 2,13 0,244 1
Capitalisation boursière 719 851 464 701 703
Acquisitions notoires ReCAPTCHA,

Waze,

DoubleClick,

YouTube,

Android

Beats Electronics Instagram,

WhatsApp,

Oculus

Whole Foods Markets Hotmail,

Nokia,

LinkedIn

Skype,

GitHub

BATX

Sociétés

Baidu Alibaba Tencent Xiaomi
Date 2000 1999 1998 2010
Produits phares Moteur de recherche Commerce en ligne Moteur de recherche,

Régie publicitaire,

Intelligence artificielle

Smartphone
Revenu
principal
Publicité Vente en ligne Publicité Matériel
Utilisateur Données non-disponibles
Capitalisation boursière 87 488 530 50
Acquisitions notoires TaoBao, Alipay WeChat,

WeChat Pay,

QQmusic,

Honor of Kings…

Les différents modèles de revenus

Quelle que soit l’idée de départ, la nouveauté, l’innovation que l’entreprise souhaite proposer sur le marché, il est nécessaire de lui associer une source de revenus. En la matière, il existe aujourd’hui plusieurs possibilités plus ou moins efficaces en fonction des caractéristiques de l’entreprise. Il continue d’exister des sources traditionnelles de revenus comme la vente de produits, la location, les frais d’utilisation ou les abonnements. À celles-ci s’ajoutent des sources de revenus qui ont été fortement revisitées avec l’arrivée du numérique comme le cas de la publicité qui a permis à des entreprises comme Google et Facebook de faire partie des organisations les plus lucratives du monde en 2018. Enfin, il s’est développé de nouvelles formes de revenus, propres au numérique, comme la licence ou le modèle fermium-premium. Les principales formes de revenus sont détaillées ci-dessous:

E-commerce, vente de produits : Forme de revenu historique où le consommateur paye l’entreprise en vue d’obtenir un produit ou un service. Les boutiques en ligne, la grande distribution, l’entreprise Amazon fonctionnent principalement sur ce modèle de revenu.

Abonnement : Le consommateur s’engage sur une certaine durée qui peut être indéfinie à payer pour obtenir de manière régulière un produit ou un service. On retrouve sur ce modèle de revenus, les abonnements téléphoniques, télévisuels, mais aussi les abonnements aux diverses box (cosmétique, de produits alimentaires…).

Location : En échange d’une certaine somme, le consommateur peut utiliser pendant une durée limitée un produit ou un service. C’est un modèle de revenu que l’on retrouve beaucoup dans le tourisme (Location de voiture, hôtellerie…), mais qui s’invite dans de nouveaux domaines comme la location de montres et de vêtements de luxe.

Frais d’utilisation : Ce sont les frais associés à l’utilisation d’un produit ou d’un service. Par exemple les cabines téléphoniques ou les ordinateurs en libre-service.

Publicité : Avec le développement d’Internet, la publicité est un secteur qui a considérablement évolué. La publicité en ligne est présente sous différents types dont: Le “display”, affichage d’une annonce sur des sites Internet. Le parrainage, utiliser des leaders d’opinion pour développer du bouche-à-oreille. Le placement de produits au sein de  vidéos ou de photographies diffusés et partagés sur Internet.

Pour synthétiser, les entreprises et internautes ne cessent de redoubler de créativité pour régulièrement inventer de nouveaux types de publicités.

Intermédiation (collaboratif) : Ce modèle de revenus est propre aux entreprises dont la mission est la mise en relation de consommateurs avec des entreprises ou de consommateurs entre eux. L’entreprise qui adopte cette forme de revenu prend une commission pour avoir mis en relation des individus et/ou organisations. Les agences immobilières, les entreprises de covoiturage fonctionnent principalement sur ce modèle. Les deux entreprises les plus connues ayant adopté ce modèle sont Airbnb et Uber.

Licence : Le consommateur achète une licence pour accéder à un produit avec une durée limitée ou illimitée. Ce modèle de revenus est très répandu en informatique ou l’achat d’une licence permet d’utiliser un logiciel. Les entreprises Adobe, Microsoft sont principalement basées sur ce modèle de revenu.

Freemium-Premium : Ce modèle de revenu consiste à proposer aux utilisateurs une version gratuite qui n’intègre pas toutes les fonctionnalités et une version premium payante avec l’ensemble des fonctionnalités. Ce modèle d’affaires est très présent dans l’industrie des jeux vidéo et des applications. On le retrouve également dans des modèles d’affaires comme LinkedIn.

À noter qu’il est possible pour une même entreprise d’intégrer différents modèles de revenus. Pour donner un exemple, de nombreuses applications mobiles basées sur un modèle fermium-premium intègrent de la publicité sur la version gratuite.

Le business plan

« Un business modèle (ou business plan) décrit la façon dont une organisation fournit et capture de la valeur »  (Osterwalder et Pigneur, 2011)

Business Plan
Réussir son Business plan

1) Les consommateurs

En marketing pour optimiser les chances de succès, il est recommandé de débuter tout projet par les consommateurs et leurs besoins. Dans cette section vous devez préciser le ou les segments sur lesquels s’applique le business plan. Vous êtes invités à renseigner les besoins de chaque segment, leur taille et le persona qui représente le mieux chaque segment.

2) Les produits et services

Le produit est la première variable du marketing-mix. Il convient de préciser avec détail l’offre de l’organisation. Quels produits et services proposez-vous pour répondre aux besoins de vos segments ? Quelle est la proposition de valeur de l’entreprise? Cette variable est à priori la plus importante du marketing mix.

3) La promotion

La promotion représente la méthode que vous allez utiliser pour communiquer avec les consommateurs. Comment allez-vous informer vos prospects et clients ?  Quelle sera votre stratégie de communication ?

4) La place

Une fois informé, le consommateur doit être en mesure de se procurer vos produits et services. Quelle méthode de distribution allez-vous mettre en place ?

5) Le prix et le modèle de revenus

Comment votre projet va-t-il se financer? Quel est le prix de vos produits et services? Quelle est la méthode de revenus utilisée?

6) Les revenus

Cette case est la première du bilan prévisionnel, elle correspond au chiffre d’affaires prévu. Pour estimer celui-ci, vous devez prédire votre taux de pénétration du segment identifié et le panier moyen. Ce sont des prévisions pour fixer les ordres de grandeur. La précision exigée en comptabilité n’est pas nécessaire.

7) Les ressources internes

Quelles sont les ressources internes nécessaires à la production, communication et distribution des produits et services ? Quelles sont les activités clés de l’entreprise et subséquemment des ressources internes ?

8) Les ressources externes

Quels sont les partenariats à nouer avec l’extérieur pour produire, communiquer et distribuer les produits et services ?

9) Les coûts

Cette case correspond au deuxième volet du bilan prévisionnel. Cette section présente le coût de mise en œuvre du business plan. C’est-à-dire la somme des coûts des ressources internes case 7 et la somme des coûts des besoins externalisés (case 8).  Le détail des coûts par poste puis le total apportent plus de lisibilité. Comme pour les revenus (case 6), la précision comptable n’est pas nécessaire.

Questions

Citez, dans l’ordre, les neuf éléments qui constituent le business plan ?

Que signifie l’acronyme GAFAM ?

Que signifie l’acronyme BATX ?

Citer trois modèles de revenus avec des exemples propres au numérique ?